Suzanne partage ses dernières expériences de formation avec ses collègues. L’un d’entre eux lui parle de Salvatore Ricci. Il suit avec lui une formation de mécaniciens vélos à l’ECEPS, à Mont-sur-Marchienne, en promotion sociale, depuis un an. Par ailleurs, Salvatore est revendeur et réparateur de vélos depuis 4, 5 ans à Marcinelle.
Si la formation est principalement axée sur le côté pratique entretien, réparation, dépannage, Salvatore parle aussi avec ses élèves des questions que posent les clients dans son magasin. Salvatore est bien plus qu’un prof ou un artisan, il fait de l’éducation populaire sans le savoir lui dira son collègue.
Suzanne est piquée au vif. Que fait Salvatore ? Quel est son parcours ? Comment « fait-il de l’EP » ? Que fait-il des contraintes du marché et de l’institutionnel ?
Elle décide de le rencontrer dans son magasin entre le ring et les terrils. Un quartier marqué en outre par l’industrie du charbon où coexistent des maisons cossues, du centre de Marcinelle, et ouvrières, pour certaines squattées, derrière la gare de Charleroi-sud.
Salvatore arrive en retard. Debout depuis 4 heures du matin, il est passé par le magasin avant de se rendre chez son comptable. Il s’en excuse, tire le store dans la vitrine, lui offre un café et raconte son parcours comme mécanicien automobile. Le dos encaisse. Après 26 années, devoir choisir entre chômer ou faire autre chose. Sa passion pour le vélo. L’ouverture du magasin. Comment en est-il venu à la formation, d’abord dans l’accueil des apprentis en usine et ensuite en promotion sociale, par hasard, parce qu’un client lui en a parlé.
Suzanne y a finalement passé la matinée, entendant tour à tour les conversations de Salvatore avec ses clients. La dame, plutôt âgée, qui veut acheter un vélo électrique pour faire le Ravel en tractant une petite remorque pour transporter un voire deux petits chiens et qui a acheté une remorque pour enfants, conseillée par un vendeur peu scrupuleux. La voisine du quartier qui a revendu un vélo en occasion en le mettant en dépôt dans le magasin avec son numéro de gsm. L’ami qui reste discrètement au fond du magasin.
Salvatore répond volontiers aux questions de Suzanne. Il est passionné et parsème son récit d’anecdotes.
L’examen d’entrée en promotion sociale d’un gamin de 16 ans qui veut à tout prix suivre la formation de mécaniciens vélos, qui se fait recaler pour les fautes d’orthographe trop nombreuses et qui, soutenu par Salvatore, présentera l’examen d’entrée … oralement. Ne pas le faire passer, ne pas lui donner cette chance, c’est tout simplement l’enfoncer plus. Tandis que lui donner l’occasion de se débrouiller, le voir au cours parmi des adultes et que ça marche, c’est gratifiant. Ce n’est pas un travail, c’est un plaisir !
Le paiement de la taxe Bebat pour les personnes qui fabriquent ou assemblent des piles ou des batteries. Salvatore a des vélos électriques mais n’est pas fabricant. Le fabricant est une firme américaine. Elle a refusé de payer cette taxe et donc l’administration fiscale s’est retournée vers le revendeur. Furieux, en colère, Salvatore a refusé et … ne l’a finalement pas payée.
Derrière ces anecdotes, Salvatore parlera de sa conception de la formation et du magasin, des liens qu’il tisse entre les deux, de la grande distribution, de la vente des vélos en ligne, des pièges de la pré-commande, du quartier, des voisins, des clients.