Ils étaient militants. De gauche. Ils vivaient une période étrange. Quel militant n’a pas vécu des temps troublés ? Si les jours filaient droit, pourquoi militer ? Il y a tant d’autres choses à faire. Où que portait leur regard, ils ne voyaient que des paysages contrastés. Un œillet de la couronne mortuaire du fascisme portugais parait leur boutonnière pendant que pleurait sur leur revers le ruban noir de Salvador Allende. Ils se réjouissaient à peine du retour du soleil sur le Parthénon, sur les arènes de Séville et sur la jungle vietnamienne que déjà, l’aigle américain revenait planter ses Pershing dans notre plat pays. S’ils se tournaient plein sud, attirés par le vacarme de Soweto, ils n’y voyaient que des gens parqués dans des réserves. S’ils détournaient leur regard, Pinochet leur faisait des pieds de nez et répandait l’encre noire du totalitarisme sur l’Amérique du sud, trinquant au pisco sour avec la CIA.