in d’opérer une transformation sociale, constituent en principe le cœur de métier de la plupart des associations. La communication quand elle se met au service du projet associatif poursuit idéalement les mêmes objectifs. Elle doit en conséquence s’éloigner de la dimension commerciale de la communication marchande pour se rapprocher des valeurs d’émancipation défendues par le monde associatif. La communication doit dans ce cadre privilégier plus l’information que la promotion. Elle doit aussi, air du temps oblige, suivre les évolutions technologiques et assurer la transition digitale sans perdre son âme. En d’autres termes, la communication associative doit relever un défi de taille: être efficace tout en poursuivant ses missions et préservant ses valeurs. Ces deux questions clés ont traversé l’ensemble de la formation Chargé.e de communication, avec en point d’orgue les interventions de Yannick Bovy, Jérôme Ramackers et Philippe Hensmans.
Yannick Bovy est, entre autre, le réalisateur, des émissions Regards de la FGTB. « En tout, six émissions sont produites. Chacune d’entre elles est diffusée à 5 reprises dans des formats différents sur les 3 chaînes de la RTBF. Ces gabarits diversifiés permettent d’atteindre les non convaincus et le public que l’on n’a pas l’habitude de toucher. Il nous permet aussi d’éviter la communication « persuasive ». Nous voulons sortir de la propagande et, de la façon la plus rigoureuse et la plus déontologique possible, réaliser des émissions sur des grands enjeux de société à destination du grand public. Bien sûr, ce sont des émissions d’opinion, qu’il est important de réaliser à une époque où la presse et les médias d’opinion ont à peu près disparus du paysage. On donne notre point de vue, on assume notre position de gauche tout en étant le plus professionnel possible. »
Ethique des plates-formes
Paradoxalement, ce qui pourrait constituer un inconfortable exercice d’équilibriste peut devenir un atout et une spécificité de la communication associative. « Nous choisissons les techniques de communication les plus efficaces, tout en opérant une observation critique sur les valeurs véhiculées par ces outils. » Au Cepag, Yannick compose, avec 3 de ses collègues, la cellule Communication de l’association. » Une fois les émissions réalisées et diffusées, on les fait tourner un maximum. Après la RTBF, nos productions sont mises en ligne sur Youtube et sur Facebook. Les films et documentaires produits bénéficient ainsi d’une deuxième, troisième et quatrième vie. »
« Bien entendu, on ne peut pas recourir aux plates-formes de Google et de Facebook et négliger qu’elles monétisent les données des utilisateurs aux dépens du respect de la vie privée. La question se pose alors de savoir s’il faut utiliser des médias dont on dénonce, par ailleurs, la logique sous-jacente. Au regard du potentiel de démultiplication de l’impact- des productions se retrouvent plus de 50 fois dans des projections publiques, dans le fin fond de la Belgique et parfois de la France – nous avons décidé que oui. C’est un public que nous n’aurions jamais atteint sans ces moyens de diffusion. »
Plus de 2 millions de vue sur Youtube
Un magnifique exemple de ce potentiel est le dessin animé « Ceci n’est pas un trou1http://www.fgtb-wallonne.be/outils/videos/ceci-n-est-pas-trou« . sur la sécurité sociale avec les voix de Yolande Moreau, Bouli Lanners et Charline Vanhoenacker. Tous supports confondus, il dépasse les 2 millions de vue !
Pour un outil de 5 minutes d’éducation populaire sur la Sécu, ce n’est pas si mal. Si ce dessin animé fait tel tabac, c’est par l’originalité du gabarit, par la notoriété des voix mais aussi par le recours aux réseaux de nos partenaires pour faire passer l’information. »
Détourner les outils
Le côté décalé, l’originalité combinée à la volonté de soutenir le projet politique de l’association sont également à inscrire dans la spécificité de la communication associative explique Jérôme Ramaker. Voilà plus de 15 ans que cet auteur, conférencier, consultant et formateur, soutient des festivals, des initiatives locales, des organisations citoyennes comme chargé de communication et de projet expérimenté dans le secteur socioculturel. « La communication, explique-t-il, peut à la fois surprendre et donner du sens. Ou plutôt, surprendre en donnant du sens. J’aime bien détourner les outils pour mettre en lumière les projets des artistes et prolonger l’effet de création par la communication. Les artistes craignent parfois que la communication bloque leur processus créatif. Ils y voient un poste alimentaire, chronophage, qui risque de dénaturer l’œuvre. C’est gagné dès l’instant où ils perçoivent la communication comme une prolongation et un soutien de leur projet.
Quand ils constatent que les deux ne sont pas séparés mais articulés. » Je pense par exemple au teaser d’Antoine Chance qui annonçait une tournée internationale dans les plus grandes salles, comme l’Olympia ou le Zenith. Il a effectivement joué mais c’était en Belgique dans un vieux café de village ou au bar d’une friterie qui avaient emprunté les noms de ces salles. »
« Je pense encore à Enfant précoce, une jeune artiste camerounais. Il a dressé ses toiles dans des endroits stratégiques à Paris avec juste ce panneau: « Exposez-moi ». Il s’est entêté et au final, il a trouvé un accueil dans une galerie. »
Le spectacle « JetLag ». de la Compagnie Chaliwaté est également illustratif de cet esprit. Il a notamment été donné aux « Riches-Claires ». L’action se déroule dans un aéroport. La présentation du spectacle et les consignes de sécurité de la salle avaient le format de ces feuillets que l’on trouve à l’arrière des sièges d’avion. Les spectateurs avaient vraiment l’impression d’être à bord. C’est le type même de présentation qui fait son petit effet. Elle est efficace, cohérente et peu couteuse. »
Communication ou médiation
« C’est vrai qu’aujourd’hui, la frontière entre le communication et la médiation est de plus en plus mince. J’ai par exemple accompagné un théâtre dont le thème de la saison 2019-2020 était » le courage « . Au début, je n’étais pas trop convaincu par leur affiche. Et puis je me suis aperçu qu’ils l’utilisaient pour faire de la médiation culturelle. Ils ont installé un fauteuil dans une brocante près du théâtre et ils ont simplement demandé aux gens » pour vous, c’est quoi le courage ? ». De cette manière, les habitants sont directement devenus les porteurs du thème de leur saison et de leurs spectacles ! »
Tous acteurs de la communication
Et si, dans le cadre associatif, le numérique permettait de faire de ses collègues et partenaires l’emblème de la communication. C’est la proposition que formule Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty International pour la Belgique francophone. « Nous sommes tous, dit-il des acteurs digitaux. Il faut sortir de la logique où la communication est réservée au Chargé de Com. Chaque membre de l’équipe, chaque personne est un acteur digital. Pour la simple raison que chacun peut avoir un compte Facebook. Si vous êtes une petite structure associative, avec peu de moyens, vous pouvez déjà commencer à faire bouger les choses avec des outils disponibles en libre service. Cela implique simplement un minimum de formation, et une réflexion globale sur votre stratégie de communication. Pour l’instant, sommes en train de former l’ensemble du personnel d’Amnesty à l’utilisation optimale des réseaux sociaux. L’objectif est de permettre à tous de détecter les techniques les plus appropriées à sa fonction. Dans l’année qui vient, chaque équipe aura ainsi mis en place une stratégie digitale. Cela signifie avoir analysé les médias utilisés par le public visé. Par exemple, si je suis responsable du secteur éducation aux droits des jeunes dans les écoles, il est évident que je ne vais pas travailler avec Facebook mais sur Tiktok et Instagram. »
Le contenu, c’est vous
Bien entendu, le plus important, c’est le contenu, c’est ce qu’on a à transmettre. Il ne suffit pas d’avoir une belle image. Le plus important, c’est d’avoir quelque chose à raconter. Et cela, chaque association l’a! « Chaque association a un message à faire passer. D’une manière ou d’une autre, l’activité que vous menez, la mission et les valeurs que vous portez sont des éléments dans lesquels vous pouvez aller puiser pour construire et alimenter votre communication. Après, les outils numériques constituent une opportunité sans précédent de s’adresser de façon rapide et ciblée à tous ces publics, à condition de bien les connaître. Et pour bien le connaître, il faut aller à sa rencontre. Nous préparons actuellement une campagne en direction des jeunes ados qui touche aux violences sexuelles et au viol. Dans ce cas, il est évident qu’une affiche aurait peu d’impact. En l’occurrence ici, nous réfléchissons à un mécanisme qui nous permette par le biais des réseaux sociaux de toucher une catégorie précise de la population : les jeunes adolescents masculins. A cet âge où on s’interroge déjà sur
sa propre sexualité, nous abordons ces questions afin qu’ils comprennent de quoi on parle. Et pour cela nous allons à la rencontre de groupes de jeunes adolescents et on leur demande comment ils voient les choses. Cette rencontre est la condition qui rend le projet intéressant et pertinent. »
Une grammaire qui bouge
C’est une des caractéristiques du numérique: l’évolution est constante. « Il faut arrêter de penser sa stratégie comme quelque chose de figé mais au contraire sur laquelle il faut revenir en permanence. Chez Amnesty, une équipe de réflexion se réunit à intervalle régulier pour analyser les évolutions récentes qui peuvent être utiles à notre communication. Sans se noyer dans la course aux outils, ce dispositif est destiné à permettre à chaque secteur de détecter les techniques les plus adaptées à son public et au message qu’il souhaite lui envoyer. Par ailleurs, le numérique est aussi le moyen de contact privilégié avec les membres et les donateurs. A l’heure actuelle, on ne peut plus se contenter de réaliser une brochure et de la mettre en ligne. Il est indispensable de maîtriser la grammaire numérique ».
Les données au cœur
« Reste le plus important, au coeur de la communication, il y la base de données. Cela reste encore le meilleur moyen d’entrer en communication avec des gens, avec un public qui par définition a déjà été en contact avec vous. Cela concerne le grand public, mais aussi des journalistes et d’autres catégories de personnes. Il faut donc veiller en permanence à exploiter de façon ciblée son carnet d’adresses et l’élargir sans cesse. Aujourd’hui, on fonctionne par collectivité et par communauté. On accède de plus en plus à l’info via des tiers de confiance et/ou de connaissance. C’est le principe de Facebook et d’Instagram. Cela justifie le recours aux influenceurs qui, à l’heure des réseaux sociaux, sont les nouveaux relais d’opinion. Ici aussi, il est nécessaire de les identifier en fonction du public visé. »
Les spécificités de la communication associative
On dit souvent de la communication associative qu’elle a pour fonction de tisser du lien, tandis que la communication d’entreprise a vocation à favoriser la vente de biens et services, à opérer, dans le langage facebookien, le plus haut taux de conversion possible. Jean-Louis Laville parle de communication de solidarité versus marchandisation. Elle est bien plus que cela. La communication associative est intrinsèquement citoyenne et politique, pauvre-faisant feu de tout bois et adoptant la communication numériques de masse souvent sans trop réfléchir aux valeurs marchandes qu’ils véhiculent- critique et proche de la médiation sociale et culturelle Elle est par définition citoyenne et politique, décalée, pauvre, critique et proche de la médiation sociale et culturelle
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