Erratum : Dans la première partie, parue dans le n° 107, nous avons laissé une coquille, un lapsus qui en a fait rire plus d’un. Le chômage de friction s’est transformé en…chômage de fiction. Veuillez nous en excuser.
Nous avons consacré la première partie à la présentation des différents types de chômage. Nous souhaitions avant tout permettre au lecteur de s’y retrouver dans la terminologie d’une part et de comprendre que le chômage est loin d’être monolithique. Nous consacrerons cette deuxième partie à définir ce qu’est un chômeur, à expliquer ce que sont les différents taux utilisés et à présenter quelques statistiques donnant une image plus claire du chômage dans les trois régions belges.
Définition du chômage
Le Bureau International du Travail (BIT) en donne, depuis 1982, la définition suivante :
• ne pas avoir de travail, soit en tant que salarié, soit en tant qu’indépendant ;
• être disponible pour travailler dans un emploi salarié ou non salarié ;
• chercher un travail.
Cette mesure élude la durée : depuis combien de temps faut-il être sans travail et depuis combien de temps faut-il cher-cher ? Les pays européens ont donc complété la définition :
• Ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence,
• Etre disponible pour travailler dans un délai de deux semaines,
• Avoir entrepris des démarches spécifiques pour trouver un emploi au cours des quatre semaines précédant la semaine de référence.
Cette définition est encore une fois très limitative. Ne pas avoir travaillé une heure dans la semaine de référence exclut des personnes qui sont clairement demandeuses d’emploi. Que dire par exemple d’un artiste qui chercherait activement du travail, qui n’en trouve pas et aurait eu une journée de répétition durant la semaine ? Chercher activement dans un délai de quatre semaines est également discutable. Cela occulte le découragement des chômeurs de longue durée, pourtant évident et connu des gens de terrain. Ce critère relève également des principes de l’état social actif et pousse des gens à faire des démarches en pure perte. Cela voudrait dire, par exemple, qu’un chômeur de 63 ans, sachant pertinemment qu’il ne retrouvera pas un travail et ne cherchant plus ne serait plus considéré comme chômeur. Outre les statistiques administratives relevant du BIT, on retiendra également la statistique administrative du chômage indemnisé. Il s’agit ici de ne compter, à partir de la statistique du BIT, que les chômeurs complets indemnisés. Cette statistique est couramment utilisée mais donne une idée tronquée du chômage car elle exclut les chômeurs qui n’ont pas droit à une indemnisation et les chômeurs à temps partiel (temps partiel involontaire).
On retiendra donc que ces statistiques et les méthodes utilisées ne sont pas neutres. Dès la base, le chômage est minimisé, que ce soit par le BIT ou par les états. De tous temps, les gouvernements ont essayé de manipuler les chiffres de façon à donner une meilleure image du marché du travail, surtout quand le chômage est important.
Statbel, l’institut de statistique belge, donne cependant un chiffre corrigé du chômage. Ainsi, pour l’année 2015, en ajoutant diverses catégories aux chômeurs BIT, dont les travailleurs à temps partiel involontaire, on arrive à un taux de chômage total de 14,8 % (8,6 % pour les seuls chômeurs BIT). La FGTB, quant-à elle, corrige les données « chômeurs complets indemnisés » fournies par l’ONEM, notamment les variations saisonnières, en y incluant les chômeurs exclus. Ainsi, quand l’ONEM annonce une baise de 32.574 chômeurs complets indemnisés entre mai 2015 et mai 2016, la FGTB annonce une hausse de 12.708 chômeurs complets. Cela fait une sérieuse différence.
Taux de chômage, taux d’emploi, taux d’activité et taux de soutien
Lorsqu’on analyse l’emploi, on utilise tantôt un taux et tantôt l’autre même si ce sont surtout les deux premiers qui sont le plus souvent évoqués. Il est donc opportun de savoir ce que chacun signifie et de déterminer quelles sont les données uti-lisées.
1. La population : il s’agit de la population totale d’un territoire.
2. La population en âge de travailler : les personnes de 15 à 64 ans inclus ou, depuis 2010, de 20 à 64 ans.
3. Les personnes désireuses de travailler : soit les personnes de 15 à 64 ans qui travaillent ou qui désirent travailler. Il faut par exemple ôter les personnes à charge, les prisonniers, les personnes en maladie/invalidité.
4. La population active occupée : l’emploi total : salariés, indépendants et fonctionnaires
5. Demandeurs d’emploi inoccupés : chômeurs.
• Le taux de chômage : 5/3. Il mesure, en %, le nombre de chômeurs dans une population. On retiendra surtout qu’il s’agit du rapport entre le nombre de demandeurs d’emploi et la population qui désire travailler, âgés de 15 à 64 ans inclus.
• Le taux d’emploi : 4/2. Il mesure, en %, le nombre de personnes qui travaillent par rapport à la population en âge de travailler. Le dénominateur n’est donc pas le même que pour le taux de chômage. Si ce dernier tient compte des
personnes qui veulent travailler, le taux d’emploi tient compte des personnes en âge de travailler, sans distinction de l’envie ou non de travailler.
• Le taux d’activité : 3/2. Il mesure en fait le nombre de personnes qui désirent travailler dans la tranche des 15 à 64 ans.
• Le taux de soutien : 4/1 il s’agit de mesurer, en % toujours, combien de personnes travaillent dans une population totale.
En d’autres termes, combien de personnes soutiennent, en travaillant, celles qui ne travaillent pas.
Le chômage en Belgique
Nous nous bornerons, dans cette partie, à donner une photographie du chômage sans expliquer de quel type de chômage il s’agit d’une part et sans donner de pistes de solutions.
Le chômage en Belgique et dans les trois régions. 2005 – 2015. (en %)
Sans grande surprise, on constate une très grande disparité entre les régions. La Flandre connaît un taux de chômage franchement limité tandis que la Wallonie et surtout Bruxelles ont un taux élevé.
Par contre, en 10 ans, le chômage varie peu, malgré les mesures de résorption mises en œuvre mais l’écart se creuse entre la Flandre d’une part et la Wallonie et Bruxelles d’autre part.
Le chômage par sexe, en Belgique et dans les trois régions. 2014. (en %)
La Flandre, encore elle, s’en tire bien et connaît une quasi égalité des taux entre les hommes et les femmes alors que la différence est plus marquée en Wallonie et à Bruxelles. On remarquera que dans les trois régions, le chômage masculin est plus élevé, à l’inverse de ce que connaît l’Europe.
Le chômage par niveau d’études, en Belgique et dans les trois régions. 2015. (en %)
Sans surprise les personnes peu qualifiées sont les plus durement touchées par le chômage mais la Flandre, encore elle, offre plus d’emplois à ces mêmes personnes. L’écart entre peu formés et hautement formés y est plus bas.
Le chômage par classe d’âge, en Belgique et dans les trois régions. 2014. (en %)
Sans revenir sur la position favorable de la Flandre, on retiendra surtout que le chômage touche plus spécifiquement les jeunes dans les trois régions, et, comme c’est le cas de façon générale, plus les hommes que les femmes. On remarquera également un taux de chômage particulièrement préoccupant pour les hommes jeunes et âgés en région bruxelloise. Dans quasi tous les cas de figure, la Wallonie et Bruxelles font moins bien que la moyenne européenne.
Le chômage par nationalité, en Belgique, dans les trois régions et dans l’Union. 2015. (en %)
Bruxelles est la seule région du pays dont le taux de chômage des étrangers de l’UE est inférieur au taux des nationaux mais, au-delà de ce constat, on retiendra surtout les taux de chômage très élevés pour les étrangers non UE, plus importants en Belgique et dans les trois régions que dans les pays de l’Union.
Nous venons ainsi de brosser un aperçu du chômage dans les trois régions et au niveau fédéral. Dans le Secouez-Vous les idées n° 109, nous découvrirons les mesures destinées à soutenir l’emploi, de quoi elles s’ins-pirent et quelle est leur utilité.
Sources statistiques : Eurostat, Direction générale statistique. Enquête sur les forces de travail, Statbel, calculs SPF ETCS au 29/03/2016 + FGTB.