L’évolution de la grande distribution dès 1960, la crise économique des années 1970 et 1980 voit le déclin des magasins à succursales : les pratiques de consommation évoluent. Par contre, les caisses d’épargne et les sociétés d’assurances coopératives se maintiennent au prix d’une intégration de plus en plus forte dans des holdings financiers internationaux (Holding Dexia) qui seront balayés par les crises financières de 2008 et de 2011.4
« La question est de savoir », s’interroge Jean Puissant, « dans quelle mesure ces coopératives … correspondent encore aux définitions acceptables de la coopération. Dans quelle mesure leurs utilisateurs (on hésite à parler de sociétaires) ont-ils encore conscience de participer à une forme d’économie différente ? »5
Dans les années 1970, l’idéal coopératif ressurgit comme alternative à la crise et au chômage. Les initiatives fleurissent, orientées vers les besoins socioculturels et des services non rencontrés par le marché. Elles sont rendues possibles, à partir de 1977, par le développement d’un « troisième circuit de travail » qui met à la disposition de ces initiatives des postes de travail subsidiés par l’État en vue de stimuler l’emploi et l’innovation sociale.
Refusant le chômage, des travailleurs et travailleuses, quand les circonstances s’y prêtent, relancent la production de leur usine en autogestion. C’est le cas de la société coopérative Les textiles d’Ère. L’expérience de Lip (usine horlogère) à Besançon sert de modèle. Pour accompagner ces travailleurs, la CSC crée en 1980, une ASBL, la Fondation André Oleffe (FAO), chargée également de collecter des fonds via une coopérative S.C. SAVE. En 1990, la CSC opte pour une agence de conseil et de consultance dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, l’ASBL SYNECO, au sein du groupe ARCO.
Face aux mêmes défis, la FGTB opte pour des cellules de reconversion et développe des agences-conseils pour soutenir les initiatives d’économie marchande d’initiative publique ou privée, avec la CESMAP, affiliée à la FEBECOOP.
Ce rapide survol montre que la coopérative peut être un outil au service d’un idéal de justice et d’égalité, mais pas seulement. Alliées au mouvement ouvrier, socialiste ou chrétien, les coopératives de la fin du 19e siècle ont construit une puissance socio-économique et soutenu le développement des organisations sociales. Dans les années 1970 et 1980, pour conjurer la crise et le chômage
massif, les travailleurs et travailleuses renouent avec l’utopie de changer le mode de production, sans nécessairement atteindre cet objectif. Aujourd’hui, l’idée coopérative reprend vigueur, parfois avec le soutien du mouvement ouvrier, dans des initiatives inscrites dans le champ de l’économie sociale et solidaire, durable et responsable. La coopérative, comme outil de production, de consommation ou de services, se réinvente sans cesse.
Pour aller plus loin
Outre les histoires spécialisées sur une coopérative, un secteur coopératif ou le mouvement coopératif dans un pilier, chrétien ou socialiste, le lecteur ou la lectrice consultera avec intérêt :
– PUISSANT J., « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », Revue belge d’histoire contemporaine, XXII, 1991, p. 31-72.
– DOHET J., « Le mouvement coopératif : histoire, questions et renouveau », Courrier hebdomadaire, n°2370-2371, CRISP, Bruxelles, 2018.
– ANSION G., « Les coopératives en Belgique », Courrier hebdomadaire, n°933-934, CRISP, Bruxelles,1981.
– ANSION G., MARTOU F., « Les coopératives du mouvement ouvrier en Belgique », DEFOURNY J., (dir.) L’entreprise coopérative, tradition et renouveau, Éditions Labor, Bruxelles, 1989, p. 123-147.
– DEFOURNY J., « Les nouvelles coopératives », DEFOURNY J., (dir.) L’entreprise coopérative, tradition et renouveau, Éditions Labor, Bruxelles, 1989, p. 183-203.
– DEFOURNY J., SIMON M., ADAM S., Les coopératives en Belgique : un mouvement d’avenir ? , Éditions Luc Pire, Bruxelles, 2002.
1. COIPEL M., « Introduction », Non marchand. Management, droit et finance, n°16, 2005/2, p. 8.
2. DEFOURNY J., NYSSENS M.(dir.), Économie sociale et solidaire. Socioéconomie du 3e secteur, Louvain-la-Neuve, De Boeck supérieur, 2017. Cet ouvrage propose une grille d’analyse des entreprises-dont les coopératives- qui prend en considération une série de critères ( les fondateurs/trices,…. ) avant de pouvoir les qualifier d’entreprises du non-marchand et de l’économie solidaire.
3. Avec la CSC, l’Alliance des mutualités chrétiennes, les Équipes populaires, Vie féminine et la JOC.
4. GOVAERT S., « Le dossier ARCO », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 2361-2362, CRISP, 2017.
5. PUISSANT J., « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », Revue belge d’histoire contemporaine, XXII, 1991, p. 66.