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Liberté associative, j’écris ton (re)nom ?

L’histoire du Miroir Vagabond et de son secteur est le récit d’une pratique associative en milieu rural, initiée et s’étant développée autour des besoins de terrain et pour répondre à des populations pour qui la société actuelle ne trouvait pas de place juste.

Nos actions d’éducation permanente visent à remplir des tâches au service de la collectivité tout en assurant une vigilance par rapport à l’exercice des droits fondamentaux et de favoriser un mieux-vivre ensemble, notamment via la pratique artistique et l’émergence d’actions collectives et citoyennes.
Au début des années 80, dans le nord de la province de Luxembourg, Daniel Seret, artiste peintre durbuysien, monte des expositions regroupant des artistes locaux amateurs et des artistes extérieurs professionnels. L’objectif est, d’une part, de faire découvrir l’art contemporain professionnel qui, à l’époque, est pratiquement absent du territoire. D’autre part, il s’agit aussi de faire émerger des potentiels artistiques dans cette région éloignée des espaces culturels des zones urbaines. Rapidement, à la demande des artistes amateurs mais aussi à celle de la population, des ateliers de peinture se mettent en place de manière régulière. Parallèlement, à  la même période, Christine Mahy crée l’asbl La Chenille à Marche-en-Famenne. Elle  développe des ateliers créatifs ouverts aux enfants en plein cœur d’une cité sociale excentrée tant géographiquement que symboliquement du centre-ville de Marche-en-Famenne. L’enjeu est de favoriser l’expression de cette population majoritairement d’origine turque et particulièrement mal intégrée à la commune. Dans ce cadre, les langages artistiques facilitent la parole et la mise à égalité dans ces processus d’animations interculturels.  Les outils artistiques adéquats transmis, ces groupes réalisent rapidement des œuvres collectives artistiques fortes. 

S’amorcent dès lors deux facettes d’une même vision de développement culturel : d’une part l’émulation en région rurale d’amateurs qui pratiquent ensemble une discipline artistique, d’autre part, le déploiement d’un travail d’animation-création aux confins entre art et social.

 Le Miroir Vagabond se crée sur ces fondements en 1982. Animations pour enfants, école de devoirs et alphabétisation s’organisent progressivement, grâce à l’action de bénévoles. Les années suivantes, des projets se mettent en place, sur des logiques d’éducation permanente, pour rendre les habitants du quartier acteurs de leurs projets, tout en valorisant leurs potentiels et possibilités d’action collective. Répondant à un besoin local sur l’arrondissement de Marche, territoire peu pris en compte dans les politiques culturelles et sociales, comme de nombreuses régions en milieu rural, l’asbl étend progressivement ses activités et se scinde en 1995 en deux structures : le Miroir Vagabond à Bourdon et une équipe d’Aide en Milieu
Ouvert Mic-Ados à Marche.
Dès les premières heures, est présente l’une des spécificités du Miroir Vagabond : d’une part développer des projets en  lien avec la population et répondre à des besoins non rencontrés sur le territoire, et d’autre part un rôle d’incubateur de structures qui prennent ensuite leur indépendance.

Ainsi, au cours des années, le Miroir Vagabond créera un service d’Aide à la Promotion du Logement pour développer l’accompagnement à l’habitat décent sur un territoire « vert et touristique ».

La particularité de la zone géographique est en effet plutôt propice à l’inflation des loyers et donc à la difficulté d’accéder à des logements corrects à des prix décents. 

De même, le Miroir Vagabond impulsera la création d’une Maison de Jeunes sur la commune de Gouvy, territoire du nord-Luxembourg fragilisé en termes d’offres de services artistiques, de projets socioculturels et de cohésion sociale pour la population en général et particulièrement pour la jeunesse constituant pourtant un quart de la population communale.

Ces deux exemples sont révélateurs de l’ADN du Miroir : à chaque étape du développement de l’asbl, ce sont les besoins de terrain qui commandent les projets à développer, puis les demandes d’agréments et de subsides en lien, non le contraire.
Dans cette logique, le Miroir Vagabond devient Centre d’Insertion Socio-Professionnelle. Il propose des formations d’apprentissage/perfectionnement du français et d’orientation socioprofessionnelle. Celles-ci s’appuient sur les langages d’expressions artistiques (pour « dire autrement »). L’objectif est surtout de redéployer chez des adultes abîmés par des parcours de vie complexes, la confiance de leur utilité sociétale et ainsi de (re)construire la perspective d’un avenir personnel ou socioprofessionnel.  Au-delà de compétences techniques à transmettre, les formations du Miroir Vagabond visent essentiellement à redonner positivement du pouvoir.

Faire émerger des projets pour répondre à des besoins

De nombreux centres de demandeurs d’asile étant situés dans un rayon de 20 km autour de Bourdon, le Miroir Vagabond implique cette population dans l’ensemble de son action. Ces centres étant très mal desservis par les transports en commun, le Miroir vagabond met en place des possibilités de co-voiturage pour pallier cette problématique. Les autres secteurs de l’association se créeront sur le même modèle : le constat que les besoins d’une partie de la population ne sont pas pris en compte ni rencontrés, une réflexion collective sur ce qui serait possible en y associant les partenaires locaux et la population concernée, la mise en  place concrète d’actions, puis la recherche de moyens pour pouvoir pérenniser celles-ci. Ces 15 dernières années, une double contrainte s’est imposée à petits pas au secteur associatif, mettant à mal à la fois sa liberté d’action, les modalités de mise en place de ses projets en réponse au besoin du terrain et la pérennité financière des structures. en place de ses projets en réponse au besoin du terrain et la pérennité financière des structures.

Du subside structurel à l’appel à projet

Le passage de subsides structurels (permettant à des projets de s’installer, de se réajuster et de pérenniser les travailleurs de terrain) à des appels à projets (mettant en concurrence les asbl entre elles et parfois aussi avec le secteur privé) fragilise l’action de nombreuses asbl. Il rend difficile le maintien de projets de qualité dans le long terme, ainsi que la liberté de pouvoir, définir et ajuster ceux-ci afin de répondre au mieux aux besoins de notre public.De ce fait, tant que possible, le Miroir Vagabond fera le choix de ne pas s’investir dans ces appels à projets pour garder sa ligne directrice. Malheureusement, toutes les asbl n’ont pas cette possibilité et n’ont parfois pas d’autres choix que de se plier à ces cadres administratifs contraignants et précaires sous peine de devoir mettre la clé sous la porte.

Injonctions et contraintes

Les dernières années comptabilisent plusieurs exemples d’injonctions de la part de certaines administrations vis-à-vis du secteur associatif : tantôt il s’agit de se conformer – à un cadre pédagogique ou à des objectifs spécifiques pourtant inadéquats avec les réalités du public pour et avec lequel nous travaillons, tantôt il s’agira de signer des contrats de sous-traitance déguisés sous le terme de « coopération » sous peine de pertes de subsides.Il est également question de contrôle de plus en plus assidu et de surcharge administrative, constituant un réel risque pour la survie des petites asbl.Viennent aussi planer les menaces récurrentes sur l’emploi via la réforme des APE qui a heureusement échoué en 2019 sous la forme proposée. Bref, ce n’est pas peu dire que le secteur est mis en tension.Aujourd’hui plus que jamais, le travail de terrain relève de la quadrature du cercle pour pouvoir continuer à proposer des projets de qualité et ayant du sens par rapport à un ancrage local et ses besoins spécifiques, alors que paradoxalement les pouvoirs publics demandent au secteur associatif de prendre en charge tout un pan de l’action sociale et socioculturelle qu’il ne souhaite/n’est plus en capacité d’assumer concrètement sur le terrain. Une campagne de sensibilisation bien nécessaire C’est pourquoi le Miroir Vagabond, à travers sa campagne de sensibilisation en 2019 souhaite attirer l’attention sur la liberté associative de plus en plus mise en péril et la nécessité de rétablir une relation de complémentarité et équilibré avec les pouvoirs publics de toutes sortes. A travers cette campagne, l’asbl porte une thématique et des préoccupations que de nombreuses associations, tous secteurs confondus, partagent. Le 23 Octobre 2019, le Miroir Vagabond a organisé une rencontre réunissant une 30aine d’asbl, de tous secteurs confondus (Centres Culturels, Centres Régionaux d’Intégration, Éducation Permanente, Service d’Insertion Sociale, Service logement, Fédération ou groupements d’asbl…) et de toutes provinces (Région Wallonne comme Région Bruxelloise) autour de ces constats, dans l’optique de mutualiser les bonnes pratiques, les leviers à actionner pour défendre le bien-fondé de nos actions, les marges de manœuvre encore possibles. Par cette journée, le Miroir Vagabond souhaitait poser les jalons d’une réflexion sur l’action associative, son histoire, ses tensions, son objectif en terme de bien commun et son évolution, dans un contexte économique, social et politique mouvant. Nous avons rassemblé les principaux points de convergences dessinés à cette occasion à travers une note rédigée telle une « carte d’entité du secteur associatif », disponible sur notre site internet http://miroirvagabond.be/campagnes-de-sensibilisation/campagne-de-sensibilisation-2019/   Liberté associative, j’écris ton (re)nom ? Garantie dans la constitution belge, la liberté associative a permis de nombreuses avancées sociétales, d’assurer une vigilance par rapport à l’exercice des droits fondamentaux, de ne laisser personne sur le bord du chemin, à l’heure d’une société de plus en plus inégale et où les filets de sécurité sociaux sont détricotés gouvernements après gouvernements. Si l’associatif tire aujourd’hui la sonnette d’alarme, ce n’est pas par corporatisme mais dans l’intérêt de toutes les populations avec lesquelles il travaille. Et à travers leur prise en compte par l’associatif, c’est toute la société qui en bénéficie. C’est aussi pour le million de bénévoles qui s’investissent au quotidien dans nos asbl et les nombreux travailleurs (notre secteur est l’un des plus gros employeurs de Belgique) qui doivent jongler entre contraintes et actions ayant du sens, dans un objectif de bien commun. Plus que jamais, l’associatif est un levier capital à défendre et protéger pour éviter que nos sociétés ne deviennent encore plus aliénantes et excluantes. Une charte associative, qui rappelle l’importance d’une complémentarité entre les pouvoirs publics et le secteur, comme outil mais aussi et surtout ferment d’une démocratie qui s’appuie sur les corps intermédiaires, existe depuis plus de 10 ans mais n’est toujours pas d’application, ce alors même qu’elle figure régulièrement dans les Déclarations de Politique Régionale et Communautaire. Aux politiques de s’en saisir et à nous de continuer à la défendre et à faire acte de pédagogie sur le sens et la valeur de nos actions.