par Jean-Luc Manise
Le projet Open Minds s’inscrit dans la logique de la pétition qui circule en faveur d’une souveraineté numérique européenne et l’appel de l’association Petites Singularités ,à l’Europe pour qu’elle continue le financement des logiciels libres.
Le CESEP a conclu en 2022 un partenariat stratégique européen avec un CHATON français, Assodev Marsnet, un opérateur de gestion d’infrastructures culturelles catalan, Transit Projectes et une ONG de développement communautaire roumaine, ACDC. Deux ans plus tard, le quatuor annonce l’ouverture officielle de la plates-formes ressources, d’actrices, d’acteurs et de solution libres dans les 4 pays concernés, avec l’ambition d’essaimer le projet à travers l’ensemble de l’Europe.
Un projet alternatif aux solutions propriétaires
En Europe, les services numériques en ligne »gratuits » basés sur des logiciels propriétaires fixent de plus en plus l’agenda en matière de circulation de l’information,d’accès à la culture, de mobilisation et de recommandation. L’enjeu est tout à la fois social, économique, politique et culturel : en premier lieu, ce numérique propriétaire n’a pas comme objectif premier de favoriser la diffusion des valeurs européennes de solidarité, de partage et de croissance économique pour tous. Il est de collecter un maximum d’informations afin de générer un maximum de profits. Open Minds veut proposer une alternative basée sur du numérique libre, local, ouvert, transparent et émancipateur, respectueux du citoyen et de l’environnement
Politiser le numérique
En second lieu, l’Internet et les logiciels propriétaires ont un impact important sur la façon dont les associations fonctionnent, exercent leurs missions et interagissent avec leurs publics. Les alternatives libres, les réseaux sociaux respectueux des données privées des utilisateurs doit permettre de donner une nouvelle énergie aux politiques publiques défendues par le secteur associatif européen, notamment sur le champ particulier de l’éducation permanente et de l’éducation populaire
Pour une souveraineté européenne
Troisièmement, la transition numérique que l’Europe doit conduire ne peut pas se laisser résumer aux solutions propriétaires commercialisées sur le modèle de l’exploitation des données personnelles des citoyens. Si elle souhaite conserver sa souveraineté numérique, l’Europe doit investir dans des outils dont elle conservera la maîtrise. C’est non seulement synonyme d’autonomie industrielle,mais aussi de création d’emplois
Donner aux citoyens les moyens d’agir
Le projet Open Minds vise à apporter des solutions numériques libres et innovantes au secteur socio-culturel. Il rejoint la priorité identifiée par la Commission pour la période 2019-2024 : « A Europe fit for the digital age–Favoriser une nouvelle génération de technologies donnant aux citoyens les moyens d’agir. » Open Minds est par ailleurs en droite ligne avec la stratégie «Think Open » 2020-2023. L’Europe se caractérise par un très fort engagement des citoyens dans des associations et structures socio-culturelles. Le maillage des structures publiques et des associations est très étroit. Ces deux types d’acteurs s’interpénètrent très largement pour les services publics(délégués) sociaux et culturels, dans un cadre généralement débattu collectivement et démocratiquement. L’importance de ce binôme apparaît de façon tout à fait spectaculaire dans l’enquête: »Communication de la Commission sur la promotion du rôle des associations et fondations en Europe »,
92 millions de bénévoles en Europe
Les associations, constituées de 92 millions de bénévoles en Europe ont un rôle privilégié dans l’éducation des adultes.Leur projet associatif comporte toujours un rôle éducatif. Par exemple une association sur la protection de l’environnement à un rôle d’éducation sur ce sujet. D’autre part,il est nécessaire de former les publics des associations(bénévoles,membres et bénéficiaires) pour qu’il puissent participer à l’action collective associative. Par exemple une association traitant du handicap sera amenée à former son public pour qu’il puisse contribuer à une carte interactive des lieux accessibles pour les personnes en mobilité réduite.
Une menace sur les objectifs du secteur associatif
Les porteurs du projet Open Minds considèrent que les solutions numériques qui sont proposées actuellement au secteur associatif ne correspondent pas du tout aux caractéristiques définies ci-dessus. Les solutions propriétaires habituellement proposées, clé en main, ont des fonctionnements qui menacent les objectifs de ces associations tout en prétendant leur faciliter la vie : la collecte d’informations sur les utilisateurs et la perte de contrôle sur leurs données menacent la vie privée et l’autonomie des citoyens tout en renforçant les modèles culturels dominants au détriment de l’accès universel à la culture et de la relation vivante, autonome et critique à celle-ci.
Pas de pouvoir agir
Enfin, la dépendance aux technologies propriétaires hébergées par des acteurs de taille mondiale mais dont les centres de décision ne sont pas en Europe dépossèdent les acteurs européens de leur pouvoir d’agir sur les solutions numériques qu’ils utilisent. Tout ceci est en confrontation avec les missions et les valeurs des acteurs du secteur socio-culturel,considérées en Europe comme primordiales. le projet Open Minds vise à sélectionner et documenter des solutions spécifiques d’hébergement,de messagerie,de stockage de données et d’outils bureautiques et collaboratifs basées sur des logiciels libres et à les coupler avec des programmes de formation et un support adéquats.
Des besoins du secteur en formation au numérique
La transition numérique entraîne des changements radicaux dans le secteur social et culturel. Celui-cire est présenté par un acteur majeur en Europe. Le European Network of Cultural Centers comprend 70 membres dont 14 réseaux nationaux. Sur le plan local, on recense de nombreux acteurs dont en Belgique la Fédération des Services Sociaux, l’Association des Centres Culturels, La Concertation ou l’ASTRAC, le réseau des professionnels en Centres Culturels.
Tous pointent le besoin de leurs membres en matière de formation au numérique.
72 % des associations en besoin de transition numérique
Tout d’abord, cela implique pour les personnels éducatifs et actifs une acquisition continue de compétences numériques spécifiques. Les innovations digitales peuvent contribuer à accroître l’efficacité du fonctionnement des associations et l’impact de leurs activités. Elles permettent d’interagir différemment avec leur public cible et d’innover en matière d’offres et de services. D’après une étude sur la maturité digitale du secteur associatif réalisée en 2019 à la demande de la Fondation Roi Baudouin, une large majorité (87%) des associations reconnaît l’importance de la digitalisation. Pourtant, 72% d’entre elles ne se sentent pas (pleinement) engagées dans l’évolution digitale. Beaucoup sont confrontées à un manque de moyens et d’expertise pour pouvoir investir dans un processus de digitalisation.Parmi les autres obstacles mentionnés,on trouve le manque d’outils adaptés au secteur associatif. C’est à ce besoin que le projet Open Minds entend répondre en ciblant une part importante de celui-ci: les opérateurs socio-culturels et plus largement le monde associatif et le secteur non marchand
Stratégie européenne en matière de logiciels libres 2020-2023 : à quand la suite ?
Ensuite, le choix d’une infrastructure ouverte concerne également les perspectives industrielles de l’Europe.Cette volonté d’indépendance, l’administration de l’Union Européenne la rappelle dans une communication datée du 21 octobre 2020 et intitulée«Stratégie en matière de logiciels libres 2020-2023»:«Grâce aux logiciels libres, nous pouvons construire de nouvelles solutions numériques innovantes à l’appui de nos politiques et actions communes, et tendre à la souveraineté technologique. Grâce au code ouvert, l’innovation est progressive et fondée sur le partage de connaissances et de compétences. L’ouverture accroît par ailleurs la confiance dans les services publics. Il offre davantage de possibilités pour renforcer la sécurité, puisque le code peut être librement inspecté et amélioré.
Ursula vonder Leyen « Des solutions en harmonie avec les valeurs de l’Europe »
«Grâce aux systèmes ouverts, l’Europe peut bâtir des solutions en harmonie avec ses valeurs.
« Selon la présidente de la Commission Ursula vonder Leyen, «s’il est peut-être trop tard pour reproduire des géants du numérique,il est encore temps pour parvenir à une souveraineté technologique dans certains domaines essentiels».Et l’Union d’appeler à ce que les pouvoirs publics des pays membres emboîtent le pas:«Grâce aux systèmes ouverts,l’Europe peut bâtir des solutions en harmonie avec ses valeurs. «
Un modèle décentralisé
Il n’existait pas encore au niveau européen de plate-forme dédicacée aux ressources pédagogiques et aux outils numériques libres spécifiquement pensée pour le secteur socio-culturel. Enfin, l’innovation d’Open Minds tient dans le modèle décentralisé du projet. Celui-ci, contrairement au modèle centralisé proposé par les acteurs «GAFAM»est libre, ouvert, transparent et solidaire.Il permet par définition le partage et la transposition des solutions,ainsi que leur cohérence avec les objectifs fondamentaux du secteur cible. En ceci, sa nouveauté réside dans la logique de réappropriation européenne de la culture et des données par rapport à leur capitalisation dans les plateformes américaines dominantes.
Solutions et formations 100 % libres adaptées aux besoins des associations
Enfin, il repose sur une adaptation aux besoins spécifiques d’un secteur, en s’adressant directement aux travailleurs, aux responsables de formation et aux opérateurs de formation présents sur ce marché. A partir de l’analyse des besoins qui a été réalisée par les partenaires, il s’agit de choisir de former les acteurs sociaux et culturels à l’utilisation d’outils et des solutions numériques faciles à utiliser, gratuit et faisant partie du bien commun numérique. Il s’agit de former la première collection holistique européenne de solutions numériques 100% libres entièrement consacrée au secteur socio-culturel et répondant aux besoins identifiés.