bandeau décoratif

Pour une politique culturelle de jeunesse Ajoutez votre titre ici

 
 
 

La Fédération des Maisons de Jeunes en Belgique francophone (FMJ) regroupe plus de 110 Centres de Jeunes en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour la FMJ comme pour les centres qui en sont membres, la démarche culturelle et l’inscription des jeunes dans cette démarche culturelle constituent l’essence du travail. Pour la Fédération, pour les centres qui en sont membres, mais aussi pour beaucoup d’autres centres non affiliés à la FMJ qui s’inscrivent eux aussi dans cette orientation et soutiennent les discours et les actions de notre Fédération.

Comme nous l’avons récemment affirmé dans notre Manifeste1, la démo-cratie culturelle constitue la base philosophique du travail dans les Centres de Jeunes affiliés. Une démocratie qui « valorise l’être humain en société, en ce compris le jeune en société, à qui l’on donne les moyens éducatifs, économiques ainsi que les moyens en termes d’espace et de mobilité, pour accéder aux langages de toutes origines, pour les pratiquer et surtout pour devenir créateur, inventeur, auteur d’une parole singulière : c’est cela qu’on appelle l’action culturelle ».

De façon institutionnelle et administrative, le secteur jeunesse et plus particulièrement le secteur des Centres de Jeunes est géré par l’Administration Générale de la Culture. La FMJ ne fait pas mystère de son souhait qu’il en soit de même politiquement et que le(la) même ministre ait en charge de manière naturelle et la Jeunesse et la Culture.

Si l’affiliation institutionnelle explique notre participation à cette publication, notre volonté d’y adhérer et de nous y engager dépasse largement la logique administrative. Parce que la FMJ et les centres qui en sont membres souhaitent inscrire la philosophie qui les porte et les actes qu’ils réalisent au quotidien avec les jeunes dans une démarche portée par la Culture, nous nous sentons effectivement très proches de la lecture publique, des centres culturels ou de l’éducation permanente2. En ces moments difficiles que ces secteurs rencontrent, nous nous devons d’une part de montrer notre solidarité, d’une autre part d’expliquer que nous aussi vivons aujourd’hui des heures compliquées, mais surtout, d’une troisième part, de confirmer notre volonté politique de défendre une politique culturelle et de jeunesse ambitieuse, véritablement culturelle et véritablement ambitieuse.

 

 

Investir dans une politique culturelle de jeunesse

La FMJ défend sans relâche et depuis des années un discours fort concernant les politiques à développer en faveur de et avec la jeunesse. Face aux démarches sécuritaires qui consi-dèrent les jeunes comme dérangeants si pas dangereux et qu’il faut contrôler pour protéger la société, face aux démarches de prévention qui observent qu’il faut prioritairement protéger les jeunes des dangers qui les menacent, parfois en dépit ou à contresens des discours qui pourraient faire sens pour eux, face aux discours économicistes qui n’envisagent les jeunes que comme une main d’œuvre potentielle au service des machines à produire et consommer, la FMJ propose une démarche culturelle. Les Centres de Jeunes « ont pour enjeu d’imaginer avec les jeunes des actions qui correspondent à leurs envies et leurs besoins. Les jeunes s’y sentent reconnus. Ils ont la possibilité de défendre leurs points de vue, d’utiliser le conflit pour modifier le cours des choses, d’apprendre à négocier, à argumenter, à rechercher des solutions collectives… Ils sont cruciaux ces lieux de vie où les jeunes peuvent individuellement et collectivement expérimenter des pratiques, s’essayer à des rôles, assumer des responsabilités trop souvent refusées, prendre des initiatives, inventer de nouvelles façons d’être ensemble, entreprendre et innover. Il s’agit avant tout de miser sur leurs potentialités ». Il existe ce désir de prendre la parole, de débattre, d’intervenir de manière créative dans l’espace public, au sein des médias ou des réseaux sociaux, à travers des performances artistiques, des créations impertinentes. Il est dès lors essentiel de soutenir ces jeunes pratiques citoyennes… pour ouvrir le champ des possibles.

Notre pari, et nous constatons tous les jours sur le terrain qu’il est gagnable, est d’affirmer qu’un euro investi dans l’action culturelle et citoyenne, c’est un euro en moins qu’il sera nécessaire d’investir dans le sécuritaire ou la prévention, avec le bénéfice supplémentaire, de jeunes mieux en capacité de se projeter dans l’avenir, d’inventer l’avenir, de créer des solidarités. Ce bénéfice supplémentaire qui sera également un plus, loin d’être négli-geable, dans la capacité des jeunes à acquérir l’esprit d’entreprendre (compris comme la capacité de se mettre en projet dans une démarche collective). Nous sommes convaincus, à partir de notre expérience quotidienne de terrain, que notre approche a toute sa pertinence. Mais nous sommes cons-cients également qu’il nous faudra encore et toujours tenter de convaincre certains qui préfèrent le simplisme de l’image du jeune contrariant, voire dangereux ou menacé par un environnement qui ne peut que lui être néfaste et contre lequel il ne serait pas armé.

 

 

La situation des Centres de Jeunes aujourd’hui

Les Centres de Jeunes ne sont pas confrontés aujourd’hui, comme la lecture publique et les centres culturels, à des budgets rabotés suite à des décisions politiques alors que, par ailleurs, leurs missions demandent de nouvelles intelligences pratiques. Mais la vigilance dans notre secteur s’impose aussi. Nous avons en face de nous une ministre qui s’intéresse à nos projets3 et semble soutenir la démarche dans laquelle nous nous ins-crivons. Il n’en reste pas moins que la situation financière de beaucoup de Centres de Jeunes est inquiétante. Les bâtiments pour accueillir les jeunes sont souvent vétustes, peu adaptés, et les moyens financiers pour assurer un fonctionnement adéquat se raréfient. Les subventions reçues ne permettent pas d’assurer un paiement des salaires qui tienne compte des années d’ancienneté des travailleurs. Pour garantir le complément, les associations cherchent des solutions créatives et se tournent parfois vers des pouvoirs locaux qui participent de cette façon au soutien des politiques de jeunesse dans leur commune4. Mais l’austérité frappe partout, et cet apport d’argent ne peut plus être assuré. L’évaluation que la FMJ fait de la situation financière de certains centres amène à penser que sans décisions radicales, plusieurs dizaines d’entre eux pourraient fermer leurs portes dans les années à venir. Des décisions radicales ? Par exemple, la prise de décisions structurelles concernant notamment les travailleurs. En effet, l’ancienneté des travailleurs engagés depuis quelques années dans un centre coûte de plus en plus cher à l’association.
S’en séparer est économiquement une solution pertinente. Mais c’est nettement moins pertinent au regard des compétences acquises au fil de ces années, compétences qui ont permis la mise en place de projets originaux, porteurs de citoyenneté, de culture, de prise de responsabilité des jeunes, compétences qui dès lors sont essentielles à la poursuite d’un projet associatif dynamique. Et c’est fonda- mentalement paradoxal pour des res-ponsables de Centres de Jeunes et d’une Fédération qui, dans leur cœur, dans leurs tripes et dans leur tête, souhaitent dépasser les discours économicistes, autant dans la réalité de leur gestion que dans leurs discours. Il y a là une faille qui pourrait détruire la cohérence institutionnelle et qui demandera des choix qui, s’ils sont rationnels en termes de gestion financière, seront incohérents pour le développement associatif, parce qu’ils changeront la culture de travail, la qualité méthodologique, les relations entre collègues et avec les jeunes mais aussi « la force de l’engagement professionnel »… Et nous ne parlons pas ici des conséquences humaines pour les travailleurs qui se sont investis parfois plus que ce que le contrat indiquait, au service d’un projet.

 

 

L’évaluation du décret « Centres de Jeunes »

La FMJ demande depuis de nombreuses années que le décret qui régit le secteur soit évalué. Admettons que ce qui arrive aujourd’hui à nos partenaires de la lecture publique, des centres culturels ou des centres d’expression et de créativité nous incite cependant à la prudence.

Nous nous devons d’éviter de rentrer dans une logique protectionniste du secteur pour préserver l’ambition du projet qui caractérise les Maisons de Jeunes, mais aussi les Centres de Rencontres et d’Hébergement et les Centres d’Information des Jeunes.

Ce qui doit nous porter dans le secteur aujourd’hui, c’est le maintien d’un projet ambitieux qui porte haut la signification des termes qui doivent conti-nuer à caractériser notre secteur : la citoyenneté, la participation, l’émancipation, l’éducation populaire, la formation des professionnels, la démocratie, les actions culturelles, l’accueil. Ce qui doit nous porter, c’est la volonté que soit reconnue une image positive des jeunes, éloignée des considérations stigmatisantes qui trop souvent les définissent. Ce qui doit nous porter, c’est le développement de lieux dans lesquels les jeunes peuvent se retrouver, simplement pour y trouver du plaisir, parfois pour débattre, d’autres fois pour y découvrir des propositions porteuses de sens, éventuellement s’y investir et parfois davantage, les porter. Ce qui doit nous porter, c’est le fait d’offrir aux jeunes la possibilité de participer à des projets qui les aident à affirmer qui ils sont, au travers d’expressions diversifiées et notamment artistiques, au travers d’actions dans leur environnement (le quartier, le village, la nature, …), au travers de moments de solidarités (au sein du Centre de Jeunes, dans l’environnement très local, plus large, voire international).

De tout cela nous sommes convaincus. Pour tout cela nous travaillons et souvent, bien plus que cela, nous nous engageons dans la vie de nos associations. Mais nous ne voulons pas être dupes. Nous ne voulons pas offrir le bâton qui servira à nous battre. Nous connaissons le contexte difficile. Et bien que nous pensons que l’investissement massif pour la jeunesse n’est pas un investissement inutile, bien au contraire, vraiment bien au contraire, nous ne demandons pas l’impossible dans le cadre de cette évaluation du décret. Mais nous souhaitons affirmer haut et fort que notre ambition, nous ne pouvons la porter seuls. Que notre ambition se doit d’être aussi politique. Pour le secteur des Centres de Jeunes, nous avons aussi l’ambition de la solidarité. Une solidarité envers une ministre et un gouvernement auquel elle appartient, une ministre qui affirmerait sa solidarité en retour, par son soutien à une politique de jeunesse forte qui vise prioritairement l’émancipation et la participation citoyenne au travers d’expressions diversifiées.

L’évaluation du décret se devra donc d’être ambitieuse et prospective. Mais qu’il soit clair dès aujourd’hui que nous non plus, nous ne marcherons pas si on nous fait le coup qui est fait à la lecture publique et aux centres culturels ! À l’impossible nul n’est tenu… C’est une expression que nous battons parfois en brèche dans notre secteur. Des Centres de Jeunes, des travailleurs dans ces centres, des Conseils d’administration, des jeunes réalisent parfois des choses fabuleuses sans les moyens nécessaires pour les réaliser. À force d’abnégation, d’intelligence créative et de développement de réseaux parfois improbables. Même s’il arrive à des passionnés de notre secteur d’arriver à la dépasser, c’est une expression qui garde tout son sens.

Les Centres de Jeunes ne peuvent répondre aux obligations décrétales que si les moyens minimaux leur sont octroyés pour se conformer aux missions décrétées. Et que si l’ambition pour laquelle nous militons est partagée et que des solutions concrètes sont trouvées prioritairement dans le décret…

 

 

Des politiques locales de jeunesse

Prioritairement dans le décret… Mais pas nécessairement uniquement dans ce cadre. La FMJ a insufflé il y a quelques années une nouvelle dynamique autour du projet « Commune jeunes admis »5, dynamique qui incite les pouvoirs locaux à réfléchir à une politique culturelle de jeunesse. La campagne leur propose un engagement en faveur de la jeunesse de leur commune dans une perspective qui place le jeune citoyen responsable, actif, critique, solidaire et créatif au centre de la démarche. Dans ses propositions, la ministre entend reprendre à son compte cette proposition et travailler avec les pouvoirs locaux dans cette logique. La FMJ confirme que toutes les bonnes volontés peuvent et doivent être associées à des projets porteurs pour la jeunesse. Elle confirme également que le niveau local, de par sa proximité avec les jeunes, est un niveau de pouvoir qui doit aussi être interpellé quant à cette mise en place de politiques de jeunesse cohérentes et ambitieuses. Le développement du secteur des Centres de Jeunes, mais aussi de toute politique de jeunesse, dépend aujourd’hui de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de son gouvernement, mais la responsabilité des pouvoirs locaux est loin d’être négligeable. Nous voulons également porter notre conviction que le soutien local aux politiques culturelles à destination des jeunes, mais aussi à destination de l’ensemble de la population, grandit les entités qui s’y intéressent comme ceux qui prennent leurs responsabilités en ce sens.

 

 

 

1. Consultable sur le site de la FMJ : http://www.fmjbf.org/
2. C’est d’ailleurs au titre d’opérateur de formation qu’avec d’autres, nous signons le texte « Un projet de politique culturelle mise en péril » dans ce même numéro.
3. Isabelle Simonis, Ministre de l’Enseignement de promotion sociale, de la Jeunesse, des Droits des femmes et de l’Egalité des chances.
4. L’agrément de Centre de Jeunes n’implique pas de soutien financier de la part des pouvoirs locaux. Ce soutien se négocie au cas par cas, en fonction de chaque commune.
5. http://www.fmjbf.org/ à nouveau…