par CESEP, le CIEP, la FMJ et PAC
Depuis quelques années, le CESEP, le CIEP, la FMJ et PAC accompagnent les changements impulsés dans les secteurs de la Lecture Publique et des Centres Culturels.
Les nouveaux décrets ont incité les travailleurs et les Pouvoirs organisateurs à s’engager dans des processus de transformation de leurs pratiques professionnelles, de leurs organisations, de leurs relations de coopération avec de nouveaux partenaires, de leur inscription dans un projet de politique culturelle locale et au-delà. Les nouveaux arrivés, découvrent les enjeux et spécificités de ce qu’est la socioculture. Les autres (re)trouvent une fierté dans leur métier et parlent de projets porteurs de sens.
Malgré l’exigence des nouveaux dispositifs et les changements méthodologiques, malgré parfois le passage des acteurs à ce qu’ils appellent eux-mêmes de « nouveaux métiers », nous constatons une adhésion aux valeurs et aux méthodes demandées par ces nouveaux décrets. L’accompagnement est de taille, les formations se suivent, les publications soutiennent le travail des acteurs, les concertations locales, provinciales, régionales se succèdent. Le changement est en très bonne voie.
Et puis, c’est l’annonce … Les décrets ne seront pas financés à hauteur des promesses faites. Il seront appliqués, mais sans les moyens nécessaires à leur mise en œuvre avec pour conséquences de stopper net toutes ces innovations initiées par l’intelligence des acteurs de terrain qui ont su faire atterrir dans leur métier et leurs pratiques des visées ambitieuses.
L’annonce du gel des décrets laisse les acteurs abassourdis. Peu à peu, les différentes fédérations tiennent des assemblées générales, entament des consultations avec la Ministre de Tutelle et à l’heure de la rédaction de cet article, un décret-programme a été voté. Ce décret-programme contient des dispositions relatives au financement pour la période intermédiaire, un décret en préparation pour le mois de septembre pourrait repréciser les orientations des décrets concernés.
Quoi qu’il en soit, ce sont les fondamentaux d’un projet de politique culturelle et sa mise en œuvre qui sont mis en péril … alors que tous les éléments sont réunis pour une mobilisation des acteurs.
Reprenons-les ci-dessous.
Une visée politique claire et partagée
Pour s’engager, une organisation et ses travailleurs ont besoin de sens, d’une visée commune qui motive à prendre ensemble une direction. Pour cela, il leur faut sentir et constater sur le terrain qu’une visée politique, un cadre clair, les regroupe et les soutient.
Le message envoyé par le gouvernement a des effets dommageables pour les travailleurs et les pouvoirs orga-nisateurs. C’est leur dire que la politique culturelle dont ils sont les acteurs, ne vaut plus vraiment la peine au regard d’autres priorités. Est-ce dire au secteur de la lecture publique que leur participation à la construction d’un projet de politique territoriale n’est plus prioritaire ? Est-ce dire au secteur des centres culturels qu’être le levier d’une politique culturelle fondée sur les droits culturels et les gens, ne mérite pas ou plus l’importance qu’elle semblait revêtir ?
Même si les acteurs de terrain y croient encore, comment peuvent-ils mobiliser l’énergie nécessaire pour mener ce changement ? La précarisation des moyens et l’incertitude des échéances ne laissent plus de place à une projection dans le futur. Peut-on piloter sans une visée claire et les moyens qui la soutiennent ? En reculant les échéances, sans les fixer clairement, à 2016, 2017, … 2022, le risque est grand de ne pas avoir de ligne politique commune et de contraindre les organisations à réassumer chacune des choix culturels et politiques, dans des conditions de survie pour certaines. Se dessinera alors une politique culturelle à géométrie variable et à multiples vitesses, avec une diversité d’acteurs culturels et de projets, selon qu’ils disposeront ou non des ressources nécessaires.
La reconnaissance et l’octroi du temps nécessaire au changement
Le temps nécessaire au changement était pris en compte. Un contrat avait été passé entre les instances et les secteurs : ceux-ci disposaient d’une période transitoire pour entrer dans une transformation profonde. Toutefois, le temps d’un tel changement, dans les mentalités et les pratiques effectives, dépasse largement les 5 ans. Il doit s’inscrire dans la durée et nécessite des étapes incontournables dont le travail de conscientisation, de formation, d’accompagnement, de concertations, de mise en oeuvre, d’évaluation…
Pourquoi voter des décrets sans s’assurer de moyens pérennes pour leur mise en oeuvre ? Comment peut-on dire en paroles et en actes deux choses différentes ? Et comment les acteurs de terrain peuvent-ils maintenir leur confiance aujourd’hui ?
La confiance et le mouvement partagé
La confiance se construit dans un cadre clair et solide. Les acteurs sont mobilisés : équipes professionnelles, pouvoirs organisateurs, partenaires associatifs, interlocuteurs institutionnels, et ce sans parler « des gens », des publics. Des conseils de développement de la lecture sont constitués, des conseils d’orientation démarrent leurs travaux, les bibliothèques et centres culturels soutiennent ou rejoignent des concertations locales, des réseaux associatifs.
Le message politique qui est envoyé vient suspendre, voire arrêter, le travail entrepris. Les pratiques transformatrices sont freinées dans leur élan. Les acteurs se retrouvent au milieu du gué, sans repères, dans l’incertitude. Par où aller ? Et surtout, comment ?
De plus, si la plupart des acteurs témoignent du fait que les changements entrepris sont porteurs et irréversibles, un recul du Politique donnera des arguments aux acteurs résistant au changement pour ne pas mener à terme ces processus de transformation.
La reconnaissance de l’intelligence des acteurs
Dès fin 2008, la FWB investit dans la mise en place d’un dispositif large de formations et d’accompagnement des plans et des projets pluriannuels de développement de la lecture.
L’ensemble du catalogue annuel de formation évoluera au cours des ans dans l’intention de répondre aux exigences du nouveau décret. Des outils de référence mettant en commun les compétences acquises en cours de formation et au cours de l’action sont créés en vue de leur transmission vers le secteur.
Par ailleurs, un plan d’information et de sensibilisation des pouvoirs organisateurs, de formation des équipes professionnelles des Centres Culturels est mis en oeuvre.
A travers ces démarches cumulées, les acteurs, équipes professionnelles et les pouvoirs organisateurs des secteurs concernés se sont sentis soutenus et reconnus. L’exigence est forte. La culture de l’évaluation insufflée dans ces décrets et la systématisation de l’analyse du territoire font appel à leur connaissance du terrain et à leur intelligence. Leur capacité à entrer dans le changement et mener à bien est reconnue.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Alors que l’évaluation du décret de la lecture publique, bien engagée, n’est pas parvenue à son terme, la décision prise de geler ce texte ne prend pas en compte les conclusions de cette éva-luation, voire vide la démarche de son sens. Qu’en est-il des réajustements qui auraient pu se faire à partir de cette auto-évaluation ?
Quant aux centres culturels, un certain nombre d’entre-eux ont démarré l’analyse de leur territoire. Ils y ont associé des partenaires, des habitants et leurs différentes instances, conseils d’administration, futurs conseils d’orientation… Un report à durée indéterminée rendrait le fruit de ce travail obsolète quand le moment sera enfin venu de le prendre en compte.
Quelle importance réelle avait cette démarche aux yeux des décideurs ? A quoi servent donc tous ces efforts déjà consentis ?
Le recours en conseil d’état introduit par les 14 bibliothèques était le signal d’une confiance maintenue des acteurs dans le service public.
… Une indispensable clarification du projet de politique culturelle
L’investissement financier en temps et en personnes de la FWB, des centres culturels et des bibliothèques publiques ne peut pas s’interrompre. Le travail n’est pas terminé et donc pas encore opérationnel. Si on ne va pas jusqu’au bout, on ne bénéficiera pas d’un changement à la hauteur de son coût.
Le risque de démobilisation des équipes de travail que nous venons d’analyser est énorme.
Cette démobilisation aura certes des conséquences sur notre travail de formateurs et d’accompagnateurs, la mise à mal des acquis, l’impossibilité d’enraciner un véritable changement, le risque de ne plus croire en la force de la formation et de l’accompagnement pour ne citer que ceux-là.
Mais si le financement ne soutient plus la mutation des secteurs c’est, bien au-delà de l’aspect financier, une crise de confiance dans la politique culturelle de la FWB et une perte de confiance dans leur propre potentiel qui ralentira, voire anéantira, le développement des organisations. Et ce pour longtemps.
Nous rajouterons que les difficultés rencontrées par les professionnels viennent aussi du détricotage progressif du cadre de l’action antérieur aux évènements actuels, la contractualisation des agréments, l’augmentation de la part administrative, une évaluation quantitative des actions inadéquate par rapport aux démarches d’éducation populaire, …
Il y a donc aujourd’hui une urgence de clarifier le projet de politique culturelle en FWB en ouvrant un réel débat sur l’évolution des orientations prises depuis le changement de gouvernement et les conditions de leur mise en oeuvre.
Dès lors, nous ne pouvons qu’encou-rager la poursuite des concertations entreprises depuis la mi-juin avec l’ensemble des fédérations. La pérennisation de ce dialogue et la volonté de vouloir dégager des marges budgétaires pour la mise en oeuvre d’une réelle politique culturelle fondée sur des démarches d’Education populaire est essentielle.